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Alcool interdit en entreprise : quelle marge de manœuvre pour l’employeur
L’employeur peut limiter ou interdire, pour la sécurité de ses salariés, toute consommation d’alcool sur le lieu de travail dans le règlement intérieur de l’entreprise ou par note de service. Ces mesures, destinées à limiter les risques d’accident, doivent être proportionnées au but recherché.
Dans une décision rendue le 14 mars 2022, le Conseil d’État précise l’étendue de son contrôle en matière de règlement intérieur, et plus précisément lorsque ce règlement intérieur comprend une interdiction totale de consommation d’alcool sur le lieu de travail.
Pour rappel, le célèbre article R. 4228-20 du Code du travail prévoit qu’aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail ». Il précise juste après que l’employeur peut limiter voire interdire cette consommation pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, à condition que ces mesures soient proportionnées au but recherché.
Dans cette affaire, c’est l’établissement de Renault Sandouville qui est concernée : elle inscrit au règlement intérieur, en 2013, l’interdiction d’introduire, de distribuer ou de consommer toute boisson alcoolisée. À l’époque, la DIRECCTE sollicite une modification : elle estime en effet que cette interdiction absolue est disproportionnée.
En appel, les juges confirment cette décision. Ils constatent en effet que la société requérante n’apportait pas la preuve du caractère justifié et proportionné de l’interdiction imposée aux salariés, puisqu’elle ne caractérisait pas l’existence d’une situation particulière de danger. En particulier, elle ne présentait pas « d’éléments chiffrés sur le nombre d’accidents du travail ou de sanctions préalables liées à l’alcool sur ce site ».
Le Conseil d’État, lui, casse cet arrêt. Il juge que cette référence à des données précises n’est pas nécessaire. En effet, il considère que l’interdiction totale d’alcool sur le lieu de travail est une forme de mesure de prévention au regard de son obligation de sécurité vis-à-vis des salariés (art. L. 4121-1 du Code du travail). Pour cela, il se base en particulier sur les activités réalisées sur le site concerné par le règlement intérieur : seuls 10 % des salariés occupaient des fonctions tertiaires. Les autres 90 %, par l’utilisation de machines et d’outils de carrosserie-montage, par la manipulation de produits chimiques ou par la maintenance des équipements, justifiaient l’interdiction générale de l’alcool dans l’établissement pour prévenir tout risque d’accident.